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Porta Nigra

par Trollinet

Dans la belle ville de Trèves, vers 200 ap JC, on s’ennuyait un peu. Alors, pour mettre un peu d’ambiance, les tribuns ont décidé de se lancer dans la construction de monuments, de bons gros monuments pas franchement discrets, histoire d’en mettre plein la vue à tout le voisinage. Et qui est-ce qui va devoir s’occuper de superviser tout çà ? Et bien oui, c’est vous ! Avec Porta Nigra, laissez-vous tenter par le côté obscur de la porte.

 

  1. Un jeu où c’est celui qui a la plus grosse qui gagne.

Dans ce nouveau jeu de Wolfgang Kramer, l’un des auteurs les plus régulièrement récompensés pour ses créations, chaque joueur incarne donc un contremaitre qui va essayer de contribuer de son mieux à l’édification de chacun de 4 monuments, à savoir l’amphithéâtre, la basilique, le mur d’enceinte et surtout, la fameuse Porta Nigra, monument distinctif de la ville qui traversera les âges.


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Genre: jeu de société stratégie tactique

Auteurs: Wolfgang Kramer & Michael Kiesling

Illustrateur: Michael Menzel

Editeur : Gigamic

Jouable à partir de: 2

Age conseillé: 12 et plus

Durée approximative d’une partie: 90 minutes


Afin de participer à ces constructions, il va falloir acquérir de jolies petites briques bien fichues, et ensuite les monter en forme de tours. Ces tours représenteront votre contribution aux diverses parties des 4 monuments, et plus elles seront hautes, plus vous engrangerez de points. Dès le premier coup d’oeil dans la boite, on ne peut déjà que se féliciter de la qualité des briques proposées.

Piles de briques à vendre. Arches incluses. Prix non négociable.

Piles de briques à vendre. Arches incluses. Prix non négociable.

La ville de Trèves sera représentée par un joli plateau bien illustré (de qualitat, là encore), divisé en 4 quartiers (même si les séparations ne m’ont pas sauté aux yeux la première fois…). Votre contremaitre se baladera alors de quartier en quartier afin de superviser l’achat des briques et la construction des tours.

 

  1. Du renouveau dans la tradition.

Et donc, pour construire, on aura bien sûr, notre lot de meeple, de points de victoire et d’actions à accomplir. Oui, le style est clair, il s’agit bien d’un jeu de construction à l’allemande, un vrai de vrai, avec une similitude frappante qu’on retrouve dans tous ces jeux : des règles maousse à expliquer, mais pourtant une intelligence de la pédagogie avec un plateau qui reprend bien l’ensemble de ces règles par un ensemble d’icônes très didactiques.

A son tour, chaque joueur va tout d’abord commencer par s’assurer qu’il a assez de briques à disposition dans les boutiques et que les différentes piles de cartes sont bien toutes fournies. Une formalité vite passée avant de rentrer dans le vif du sujet.

Et le vif du sujet, justement, est vraiment bien pensé. Le joueur a dans sa main 2 cartes présentant une série de diverses actions qu’il va pouvoir accomplir dans son tour, et il va devoir choisir une de ces 2 cartes. Concept très intéressant, car il permet de donner à chaque tour une direction différente en fonction de ses besoins.

La première carte permet de faire des trucs, tandis que la deuxième permet de faire d'autres trucs. Limpide, non ?

La première carte permet de faire des trucs, tandis que la deuxième permet de faire d’autres trucs. Limpide, non ?

Une fois la carte choisie, le joueur la montre et ne va pouvoir exécuter qu’une partie des actions présentées dessus. Elles sont variées et, comme d’habitude dans ce genre de jeu, toutes indispensables. Mais il va falloir choisir 2 ou 3 parmi celles proposées : Acheter une brique et construire une tour sont les principales actions possibles, mais on peut aussi gagner des sesterces, de l’influence, ou des actions supplémentaires. Une fois l’action choisie, il reste à l’exécuter.

L’achat de briques et la construction de tours sont le moteur du jeu, et ils vont nécessiter de déplacer notre contremaitre dans le bon quartier. Mais ce déplacement à un coût (un péage entre chaque quartier) et l’argent peut venir à manquer. Ainsi, il va falloir maximiser ses déplacements pour limiter les dépenses. On est là dans le cœur du dilemme du jeu, et il va falloir souvent activer ses cellules grises pour optimiser son tour. Un très bon point, donc, pour cet aspect très prenant.

Une ville en construction, des quartiers encore vierges, trois contremaitres et, au milieu, les boutiques de briques bien garnies. C'est parti pour les soldes !

Une ville en construction, des quartiers encore vierges, trois contremaitres et, au milieu, les boutiques de briques bien garnies. C’est parti pour les soldes !

Les briques sont toutes grises, mais un selon leur position sur le plateau, elles sont considérées comme étant d’une catégorie précise (une couleur fictive, en somme). Selon leur catégorie, elles couteront plus ou moins cher à l’achat, mais elles rapporteront proportionnellement plus de points au moment de la construction.

Quand la tuile est achetée, on la place sur son propre chantier, puis une fois le nombre de briques nécessaire atteint, on peut envisager une action de construction afin de récolter des points de victoire, des cartes et des récompenses selon le quartier. Attention à ne rien oublier, les récompenses peuvent être nombreuses.

A la fin du jeu, des tonnes de points de victoire supplémentaires seront à nouveau distribuées en fonction de celui qui aura le plus construit quartier par quartier, ainsi qu’en fonction des cartes gagnées tout le long du jeu.

Le joueur noir vient de construire sa première tour. Pour bien la reconnaitre, il laisse un ouvrier à son sommet jusqu'à la fin du jeu. Oui, comme çà, tout seul. Ca lui apprendra à.... heu.... en tout cas, lui, il doit savoir pourquoi il est là-haut !

Le joueur noir vient de construire sa première tour. Pour bien la reconnaitre, il laisse un ouvrier à son sommet jusqu’à la fin du jeu. Oui, comme çà, tout seul. Ca lui apprendra à…. heu…. en tout cas, lui, il doit savoir pourquoi il est là-haut !

 

  1. « Joey, tu aimes les films sur les experts-comptables ? »

Tiré du film « Y’at-il un architecte sur le chantier ? »

On touche en effet là le principal défaut de ce très bon jeu : il est quasiment impossible de prévoir à l’avance combien on va engranger de points de victoire à la fin du jeu. Les possibilités de gain sont tellement nombreuses que toute anticipation est vouée à l’échec : Pour vous donner une idée, voici les différents calculs à faire en fin de jeu : Calcul des majorités dans chaque partie de quartier (soit 12 décomptes différents à effectuer), calcul des gains possibles grâce aux cartes de construction (qu’il va falloir associer par dessins), et calcul des points gagnés grâce à des cartes d’influence achetées au cours du jeu.

Bref, on n’a qu’une très vague idée (mais alors très très vague) du score qu’on obtiendra en fin de partie et, pour le coup, on a encore plus de mal à imaginer le score de ses adversaires. On pourrait dire que çà n’est pas gênant, que le but est de jouer le plus fin possible et d’être le plus efficace, mais cela occulte une partie importante de ce type de jeu : on a beaucoup de mal à se positionner par rapport aux autres et à savoir quel adversaire il faut gêner prioritairement. Ceci est assez embêtant puisqu’avec ce système de majorité quartier par quartier, si on savait quel joueur gêner, on irait piétiner allégrement ses plates-bandes afin de le contrarier. Or, là, on n’a qu’une idée globale de la situation de chacun, et on va finalement essayer de se débrouiller au mieux, gênant un coup l’un, un coup l’autre, sans trop savoir ce que ça va donner à la fin.

Des meeples de toutes les couleurs qui se mélangent. On est très Charlie, chez Gameovert...

Des meeples de toutes les couleurs qui se mélangent. On est très Charlie, chez Gameovert…

Alors, on le jette aux orties, ce jeu ? Certainement pas, fols que vous êtes ! Ce jeu reste vraiment très agréable, les mécaniques sont bien rôdées et les nombreuses possibilités raviront ceux qui veulent affiner leur tactique. Il est par contre évident que ce jeu s’adresse aux vrais fans de jeux de gestion à l’allemande. Ici, on est là pour anticiper ses actions, maximiser ses déplacements et économiser ses sesterces. Le hasard est quasiment banni, tout se calcule, bref, un jeu pour les experts-comptables disent les détracteurs de ce genre. Il n’empêche que les dilemmes ludiques sont intéressants, et vous allez souvent devoir choisir entre construire tout de suite pour peu de gain, ou attendre et économiser pour des récompenses plus importantes.

Y'a pas à dire, mais à l'époque, les architectes, ils se la racontaient un peu, tout de même.

Y’a pas à dire, mais à l’époque, les architectes, ils se la racontaient un peu, tout de même.

Malgré mes réserves plus haut, on ne tombe pas non plus dans le travers de ces jeux qui nous donnent parfois l’impression de jouer un peu chacun dans son coin (à la Dominion, par exemple), car on va toujours essayer de sauter sur les bons coups avant les autres. On ne sait jamais vraiment ce que çà donnera à la fin du jeu, mais la concurrence pour les différentes majorités de chaque quartier est présente et les emplacements sont chers.

Bref, un bon jeu, bien pensé. Si vous aimez Descendances, Clochemerle, L’âge de Pierre, ou Caylus, vous trouverez ici une nouvelle déclinaison intéressante du concept. Avec quelques idées vraiment intéressantes (le choix de la carte d’action, le déplacement du contremaitre), et en tenant de son défaut principal (trop de points distribués en fin de partie) ce jeu se situe dans la ligne classique du genre, l’exploitant très bien sans être révolutionnaire pour autant.

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